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Paroles de voyageurs

Les familles du voyage présentes en Vendée connaissent des situations très variées. Aussi, choisir un témoignage plutôt qu'un autre reste très délicat dans la mesure où chaque famille, en définitive, ne représente qu'elle-même. Il n'en reste pas moins que tout témoignage est porteur d'une réalité. Les propos qui vont suivre ont été recueillis en avril 2001 auprès d'une famille élargie à La Roche-sur-Yon et la discussion a porté sur différents points :

Stationnement / itinérance :
  • Que signifie l'itinérance ?
  • Qu'entend-on par stationnement ?
  • Que demandent les voyageurs ?
Ecole :
  • Que demande-t-on à l'école ?
  • A quoi elle sert ?
  • Le collège, à quoi sert-il ?

Travail :

  • Qu'est-ce que travailler ?
  • Que demandent les voyageurs ?

Droits et devoirs :

  • Comment agir ?
  • Seul ou avec un représentant (tsigane ou sédentaire) ?

Ces points ont été débattu de manière décousue car il est difficile de sérier les problématiques : laisser parler et rebondir sur un propos.

LE TERRAIN, LE VOYAGE

On en est loin d'être en maison. Une maison, ça empêche pas que les enfants y viennent. Si on a un pied-à-terre et que c'est bien fermé, on peut partir de temps en temps. Mais nous, on n'a rien. On peut pas dire qu'on a quelque chose à nous. Ici, ça nous appartient pas. Si, admettons, que je m'en vais pendant les vacances, je reviens ici et que quelqu'un il est là, on peut rien dire. Et qu'est-ce qu'on fait des enfants avec l'école ? Où qu'on va se mettre ? A Sainte-Anne, on veut pas s'y mettre parce qu'on a vu la mort de nos petits enfants. Deux de mes petits enfants ont manqué d'être tués. On a déserté à deux heures du matin parce qu'il y en a un qui faisait le fou avec son camion. Il faisait du stock-car avec son camion. Les gens de la ville y feront ce qu'ils voudront, des procès à 100 000 F si ils voudront mais on n'ira pas. Cette place, on l'a eu avec la DDE. Si on nous laisse tranquille, là, on laisse tranquille les autres. On voudrait louer ici avec une clôture autour du terrain pour pas que d'autres viennent. Avec des WC pour commencer, de l'eau, des douches, si c'est possible, mais bon, on en a dans les campines . Mais fermer, ça c'est important. On peut partir tranquille. La ville, ils l'ont bien fait avec la famille D., alors pourquoi il le ferait pas avec nous. Pour les autres familles, il faudrait un terrain de passage, mais avec un gardien. Quelqu'un qui surveille les allées et venues. Pas comme maintenant. Avec certaines familles, on sait qu'il va y avoir du dégât. Moi, j'ai prévenu la ville mais ils ont rien fait. Puis maintenant on voit le résultat. Il y a du dégât partout. Il faudrait un terrain pour les semi-sédentaires et un terrain pour les gens de passage, qui sont pas connus à La Roche et là, on serait tranquille.

A Angers ils ont fait des petits terrains individuels. C'est très bien. Je vais vous expliquer, quand vous êtes en famille, c'est des terrains de dix vingt places, des fois vous êtes en famille, une dizaine de familles alors ils vous faut dix places. Ces dix places sont libres alors vous prenez dix places. Il y a peut-être d'autres familles qui viennent. Si il y a une seule place libre, moi je ne veux pas aller à cette place alors que mes enfants ils vont être ailleurs. C'est comme ça nos campements. Et si il y a un autre petit terrain de libre alors je le prends. C'est comme ça qu'ils ont fait. Il y a le grand terrain où il y a quelques familles puis des petits terrains où des familles plus fixées sont là, avec leurs enfants. C'est très bien ça. Et quand il y a un problème, alors on appelle la police.

Les missions, c'est huit jours. Il faut un terrain libre en herbe. C'est pour les missions. Il suffit de téléphoner avant à la personne de la ville. Quand j'habitais une maison, les enfants y voulaient pas être renfermés. On voyait personne de notre race (c'est malheureux de parler comme ça !). Quand on voyait les autres enfants (du voyage), ils nous disaient : " Viens avec nous jouer dans les champs !" et nous on pouvait pas. La honte de dire : " Mais nous, on est toujours entre quatre murs ! "

L'ECOLE

Le seul problème c'est les enfants dans les écoles. Moi, la mienne, elle voudrait être maîtresse d'école. Elle a huit ans, je sais, mais elle sait ce qu'elle veut. Moi, je l'empêcherai pas. Je suis d'accord pour qu'elle fait des études. La seule chose qui compte moi c'est mes enfants. Je vis ce que je vis maintenant parce que qu'est-ce que j'en sais moi du lendemain. Le lendemain m'appartient pas.

A l'école, ça se passe bien. On est content. Les enfants ramènent de bonnes notes et puis les maîtresses et même le directeur, le nouveau et puis l'ancien, y sont gentils. Les enfants y veulent pas partir de cette école. Moi, je suis content que mes petits-enfants, ils évoluent comme ça. Moi je comprends ça (papou).

Le collège, moi je suis d'accord pour que mes enfants ils y vont. C'est pour leur avenir (N.).

Moi, je suis pas d'accord pour que V. y va. Je veux qu'elle fasse les cours par correspondance parce que le collège c'est la violence et c'est la drogue. Tous les jours à la télé ils parlent de tout ça.

Moi, je veux pas qu'elle y va (L.).

LE TRAVAIL

Les vendanges c'est une détente de faire ça dix jours. On voit des forains, on discute. C'est comme des vacances. On voit d'autres gens. On aime mieux travailler que de rien faire. C'est ce que je pense. Il y en a qui veulent garder leur liberté. C'est leur liberté. C'est bien de partir un mois ou deux. De revoir tout plein de monde. Mais il y a l'école. Et ça c'est un problème parce que si on part, on n'est pas sûr de retrouver la place. Et mes enfants ils veulent aller dans leur école et comment on fait si il n'y a pas l'école. Ca c'est un problème. Je peux te garantir que si on part tous ici, on retrouvera pas la place à notre retour. En ce moment, il y a toujours quelqu'un qui reste sur le terrain. On est obligé sinon il y a quelqu'un d'autre qui prend la place. Il y a toujours quelqu'un qui garde le terrain. Là c'est qui veut entre, c'est un terrain libre. Et qu'est-ce qu'on fait nous ? Si on loue, alors là ça change tout. Le terrain il est à nous et si quelqu'un entre alors c'est le commissariat.

LA REPRESENTATION

Quand on demande un entretien avec les autorités, ils veulent pas discuter. Pourtant, c'est simple à parler comme là. Ils nous envoient toujours quelqu'un d'autre pour discuter mais c'est pas celui là qu'on veut voir, c'est eux. Vous, par exemple, vous êtes un commis, je m'excuse de dire çà, mais vous êtes un envoyé, un commis. Et si vous voulez rien dire, vous pouvez. Alors que si c'est l'autorité, il a entendu, il peut enregistrer. Il écoute les plaintes, comme ça il pourrait faire bien. Moi, je parle pas bien le français mais je peux discuter, je peux répondre aux questions. Je connais un petit peu les choses qui se passent dans le monde. On peut discuter les décisions de la loi. Mais ils veulent pas écouter. Quand on leur pose des papiers sous le nez, ils rigolont. Il nous envoie des commis. Eux ils veulent pas se salir avec leur salive. On voudrait parler à un élu de la Mairie, le bras droit du Maire par exemple. On a vu un élu une fois, il y a deux ou trois ans de cela, quand on a fait une espèce de fête à Jean Yole. Il nous a bien parlé par contre. Ca serait drôlement bien de le revoir. Vous, vous venez sur le terrain et vous venez prendre le café avec nous. C'est simple de vouloir rencontrer les gens et de parler avec. Bon bé là ils verraient. Ils se feraient une autre idée de nous que de nous voir des gens sales et qui savent pas répondre aux questions.

Les gens, ils voient le bazar qu'il y a sur les terrains. Ils disent pas c'est lui ou c'est l'autre. Ils disent, c'est les Gens du voyage. Et c'est nous qui prenons alors qu'on a rien fait. Tiens l'autre jour, ceux qui ont patiné devant le terrain avec leur camion, c'étaient des jeunes voyageurs qui avaient bu. Ils ont fait la corrida. Nous on les a vus faire. Mais c'est pas nous qui l'ont fait. Et les gens, eux, qu'est-ce qu'ils pensent ? Ils pensent que c'est nous !

On va bientôt avoir une rencontre avec des associations d'autres départements de Bretagne et d'ici. Ils vont prendre pour chaque département une personne, un Gitan, qui, par exemple, représentera les Gens du voyage de La Roche. Angers, ça va être comme ça, Nantes, aussi. Moi, comme j'ai dit, je m'engageais dans l'association pour prendre ici, pour représenter La Roche sur Yon, pour parlementer avec eux, à condition qu'ils veulent bien nous écouter. On attend la réponse. Si il y a des familles qui se comportent pas bien, avec un gardien, on peut régler les choses. Il peut faire un rapport. (entretien du 18 avril 2001)


Cette famille élargie n'est pas forcément représentative de ce que pensent les Gens du voyage. Elle a bien enclenché un processus d'intégration et respecte le cadre que la société lui offre mais ne s'en contente pas non plus puisqu'elle souhaite agir avec les autorités pour mieux exister au sein de la communauté environnante. Ce n'est pas le cas de toutes les familles qui offrent des degrés de résistance très divers aux institutions. Ce qui ressort de manière récurrente quelles que soient les familles, c'est la possibilité pour chacun de vivre sa vie dignement, de se poser, de trouver une place, un terrain, convenable. Cette dignité, nous la retrouvons systématiquement et elle conditionne la scolarisation. Schématiquement, si la place est bonne, si l'école est accueillante et si les enfants y travaillent, alors les familles sont satisfaites. La condition première reste le terrain d'accueil, ce qui est loin d'être résolu dans notre département.
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Rédigé par Philippe Turpin

M.A.J. le 18/11/2011

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